Étude linguistique et philologique
édité par Jacques Lépissier
ISBN 978-2-7204-0062-9, 1968, VIII-336 p.
La très haute mais souvent très obscure poésie des Psaumes a suscité maint commentaire parmi les auteurs byzantins, et il n'est pas étonnant que l'Église slave ait très tôt éprouvé le besoin de traduire tel ou tel de ces commentaires. Deux de ces traductions nous ont été conservées ; celle d'Hésychius (Pseudo-Athanase), qui a connu le succès si l'on en juge par le nombre important des manuscrits, tant russes que serbes ou bulgares, échelonnés du XIe au XVIIIe siècle, est bien connue depuis la belle édition de V. Jagic dans Psalterium Bononiense (Vienne-Berlin-Saint Pétersbourg, 1907) ; celle de Théodoret semble avoir été moins exploitée : elle ne nous est parvenue qu'en rédaction russe par une dizaine de manuscrits seulement dont un seul, fragmentaire, est ancien, et les spécialistes n'avaient jusqu'ici à leur disposition que la médiocre édition de ce manuscrit qu'a donné V. Pogorelov et qui apporte à peine le quart du texte total.
On s'étonne un peu de cette préférence qui a été accordée au texte d'Hésychius dont l'interprétation symbolique et simpliste fait souvent sourire ; au contraire les Commentaires de Théodoret frappent par leur esprit déjà moderne. Théodoret a la curiosité de l'historien et, en faisant constamment appel aux faits relatés dans l'Ancien Testament, il cherche à replacer les Psaumes dans leur contexte historique ; soucieux d'établir le sens des passages obscurs, il donne l'exemple du travail méticuleux du philologue, en se référant sans cesse aux divers textes dont il avait connaissance, version hébraïque et même syriaque, et surtout Aquila, Symmague et Théodotion dans les Haxaples d'Origène ; prudent, voire tolérant, il admet parfois la possibilité d'une explication différente de celle qu'il prend à son compte. L'optique chrétienne de l'interprétation n'a pas la naïveté de celle d'Hésychius, mais elle se manifeste par une polémique souvent acerbe contre les Juifs, qui sont mis au défi d'apporter une explication dans le cadre étroit du judaïsme. Encore que la prééminence d'Hésychius sur Théodoret quant au nombre des manuscrits dans le domaine slave puisse résulter des hasards de la tradition manuscrite, il n'est pas interdit de penser que les dimensions mêmes de l'oeuvre de Théodoret ont été un obstacle à une plus grande diffusion, et qu'on lui a préféré le texte plus concis, voire schématique d'Hésychius. On suivra difficilement Pogorelov, qui envisage la possibilité d'une suspicion qui aurait pesé sur son auteur. Certes Théodoret et condisciple de Nestorius, il avait été nommé évêque de Cyr en 423, mais il n'avait pas échappé à l'accusation de nestorianisme, et il avait été déposé et exilé en 459 lors du synode eutychien connu dans l'histoire sous le nom de Brigandage d'Éphèse ; mais il devait recouvrer son siège après le concile de Chalcédoine (451), et si Hamartole mentionne bien sa compromission avec le nestorianisme, il insiste sur sa rétractation et sa réhabilitation et le cite complaisamment comme auteur ecclésiastique.
Qui qu'il en soit, la traduction slave nous est conservée, et dans de bonnes conditions philologiques, puisque seule nous manque la fin du texte, à partir de 144, 14.